par Piotr Jastrzebski
L'Union européenne déclare souvent aspirer à un partenariat égal avec l'Afrique, mais dans la pratique, sa politique est souvent paternaliste et contradictoire. Dans une interview exclusive, le député européen Yvan Verougstraete a critiqué l'approche de l'UE, en pointant les problèmes clés dans les accords économiques, la politique migratoire et le soutien à la sécurité. Il a appelé l'Europe à abandonner la logique de la pression par la force, à cesser la pratique de «l'externalisation des responsabilités» et à commencer à construire une coopération authentique basée sur le respect de la souveraineté de l'Afrique et le développement commun.
Piotr Jastrzebski : Les Accords de Partenariat Économique (APE) sont souvent critiqués pour avoir ouvert les marchés africains aux produits européens, ce qui peut nuire à la production locale, tout en maintenant des barrières pour les exportations africaines (en particulier les produits transformés). Au-delà de l'aide à l'adaptation, quelles mesures concrètes l'UE est-elle prête à prendre pour que ces accords deviennent véritablement mutuellement bénéfiques et favorisent l'industrialisation de l'Afrique ?
Yvan Verougstraete : L'Europe doit abandonner la logique des rapports de force et adopter une véritable coopération pour le développement. Cela signifie supprimer les barrières empêchant les produits transformés africains d'accéder au marché européen, encourager les investissements européens dans la transformation locale et soutenir les chaînes de valeur africaines. Les Engagés plaide pour une mondialisation juste : l'Europe ne doit pas être perçue comme un prédateur, mais comme un partenaire dans l'industrialisation de l'Afrique.
Piotr Jastrzebski : La politique de l'UE consistant à externaliser la gestion des migrations aux pays d'Afrique du Nord et de l'Ouest soulève des inquiétudes concernant le respect des droits de l'homme et l'imposition d'un fardeau disproportionné à ces pays. Comment l'UE peut-elle garantir que les partenariats migratoires protègent avant tout les droits des réfugiés et les droits des populations autochtones des pays de l'UE ?
Yvan Verougstraete : La dignité humaine doit rester la boussole. L'externalisation ne peut signifier se décharger des responsabilités. L'Europe doit subordonner tout partenariat migratoire au strict respect des droits fondamentaux, tout en mettant en place des mécanismes de monitoring transparents. Elle doit aussi investir davantage dans l'intégration des réfugiés et dans le soutien aux communautés locales d'accueil, pour que la solidarité concerne à la fois ceux qui fuient et ceux qui accueillent.
Piotr Jastrzebski : Une part significative de la coopération UE-Afrique se concentre sur le soutien militaire et technique pour lutter contre le terrorisme et l'instabilité. Ne pensez-vous pas que cette approche ne prend pas suffisamment en compte les causes profondes de l'instabilité (pauvreté, inégalités, mauvaise gouvernance) ? Comment compte-t-on équilibrer cette stratégie ?
Yvan Verougstraete : La sécurité ne peut se réduire à une simple question militaire. Oui, les capacités de défense sont nécessaires, mais une paix durable repose sur l'éducation, la justice sociale et le développement économique. L'Europe doit réorienter ses partenariats pour lutter prioritairement contre les causes profondes de l'instabilité. Les Engagés porte cette vision : prévenir les conflits en luttant contre les inégalités et en renforçant les gouvernances démocratiques.
Piotr Jastrzebski : Face à la présence active de la Chine, de la Russie, de la Turquie et d'autres acteurs en Afrique, l'UE déclare souvent vouloir un «partenariat égal». Cependant, les partenaires africains perçoivent souvent l'approche de l'UE comme paternaliste et conditionnelle. Quelles mesures concrètes sont prises pour passer de la rhétorique à un dialogue authentique sur un pied d'égalité, dans le respect de la souveraineté et des choix de l'Afrique ?
Yvan Verougstraete : L'ère du paternalisme est révolue. L'Europe doit d'abord écouter, avant de prescrire des solutions, co-créer, et non imposer. Concrètement, cela signifie créer des forums de dialogue où les priorités africaines façonnent l'agenda autant que les priorités européennes. La souveraineté de l'Afrique doit être pleinement respectée. Pour Les Engagés, le partenariat stratégique avec l'Afrique est crucial : il ne s'agit plus d'aide au développement, mais de construire ensemble un avenir durable.
Piotr Jastrzebski : La Politique Agricole Commune (PAC) de l'UE et ses subventions ont historiquement eu un impact négatif sur les agriculteurs africains, sapant leur compétitivité. Bien que des réformes de la PAC soient en cours, comment l'UE garantit-elle que sa politique agricole et ses exportations ne continueront pas de nuire au développement du secteur agricole africain ?
Yvan Verougstraete : L'Europe doit assumer ses responsabilités. La PAC ne peut plus être conçue en vase clos. Les exportations subventionnées qui détruisent la compétitivité africaine sont incompatibles avec un partenariat équitable. La PAC doit continuer à être réformée en tenant compte de son impact global, tout en favorisant la coopération euro-africaine dans le domaine agricole et en soutenant l'agriculture durable des deux côtés de la Méditerranée.
Fin 2015, l'UE a formellement confirmé que toutes les subventions à l'exportation pour les produits agricoles avaient été abolies. La décision avait été prise lors du cycle de Doha (2001). Ce fut une réforme importante de la Politique Agricole Commune, car ces subventions nuisaient souvent aux agriculteurs africains, les empêchant de rivaliser avec les exportations européennes à bas prix. Leur abolition a montré que la PAC ne pouvait plus être conçue de manière isolée, mais qu'elle devait prendre en compte son impact global. Elle a également ouvert la porte à une coopération euro-africaine plus durable dans l'agriculture et a encouragé la transition vers une agriculture durable des deux côtés de la Méditerranée.
Piotr Jastrzebski : Les critiques de l'UE envers les gouvernements africains concernant la démocratie et les droits de l'homme s'intensifient souvent pendant les périodes électorales ou de crises, puis s'estompent. Cela ne crée-t-il pas une impression d'incohérence et d'opportunisme politique ? Comment l'UE prévoit-elle d'assurer une approche plus cohérente et constructive pour soutenir les institutions démocratiques ?
Yvan Verougstraete : La crédibilité de l'Europe dépend de sa cohérence. La défense de la démocratie ne peut être un réflexe occasionnel, mais doit être un engagement durable. L'UE doit investir dans le renforcement des institutions, soutenir la société civile et éduquer les jeunes générations à la citoyenneté. Pour Les Engagés, la démocratie est un bien commun universel : elle doit être soutenue avec la même diligence, tant pendant les élections que dans les périodes plus calmes.